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Jean-Yves Rettel
June 29, 2022

L'Euro sous pression de l'inflation US et de la guerre en Ukraine, le JPY en fort recul

Bonjour et bienvenue sur le commentaire de marché  de Keewe de la semaine du 28 Mars.

 

Si la parité eurodollar a été très peu volatile ces dernières semaines, beaucoup d’autres devises ont connu des journées très agitées au gré des rebondissements des marchés d’actions et de matières premières.

Nous commenterons la situation aux Etats-Unis et les perspectives de l’euro et du sterling pour commencer avant de faire un point sur le Yen, en forte baisse depuis le début de l’année.

 

L’actualité économique mondiale a bien entendu été dominée par la hausse de 0.25% du taux directeur de la réserve fédérale américaine mercredi 16 Mars. Le Président Powell a profité de la conférence de presse suivant la décision pour confirmer que la banque centrale américaine comptait augmenter ce même taux directeur à chaque nouvelle réunion, c’est-à-dire encore à 6 reprises au cours de l’année. Ultimement, l’objectif du cycle de hausse actuel est d’arriver à un taux de 2.5% à la mi 2023.

Ceci dit, le même Powell lors d’une prise de parole moins officielle devant un panel d’économistes cette semaine n’a pas hésité à indiquer que les hausses de taux pourrait se faire à un rythme plus rapide dans un premier temps pour atteindre un niveau où la politique monétaire cesse d’être stimulatrice (vers 1.5% environ).

 

Même si les opérateurs ont déjà largement anticipé la mise en œuvre de cette politique de hausse de taux, chaque hausse taux confirmée n’en reste pas moins un fort facteur de soutien pour le Dollar.

L’Euro a, comme nous le disions, été remarquablement stable jusqu’ici autour de 1.10. Nous nous attendons toutefois à davantage de faiblesse dans les mois à venir sous l’effet cumulé d’une accélération de la hausse du taux directeur de la Fed aux Etats-Unis, des conséquences de la guerre en Ukraine et de l’attentisme de la BCE qui essaye tant bien que mal de ne pas casser la reprise européenne et ce, en dépit des fortes tensions inflationnistes sur le Continent européen.

C’est en effet l’Europe qui va payer le coût des sanctions économiques décidées par les puissances  occidentales contre la Russie; déjà, de nombreux secteurs sont forcés de mettre leurs usines à l’arrêt (aciéries, pétrochimie, engrais, etc…) où de réduire drastiquement leurs activités(flottes de pêche). La publication vendredi de l’indice IfO en Allemagne qui mesure le moral des acteurs économiques est une illustration parfaite de la situation: l’indice s’est inscrit à 90 très en deçà d’un niveau de 98 attendu et annonçant une probable entrée en récession de la plus grande économie européenne.  

L’addition de cette baisse d’activité et de la déstabilisation de la balance commerciale européenne ne peut qu’affaiblir l’Euro à moyen terme.

 

Un mot d’une devise certes périphérique mais proche pour les entreprises françaises, le Sterling. La devise britannique parvient à tenir la tête hors de l’eau et à se maintenir à un niveau de 0.83 - 0.84 contre l’Euro même s’il apparait de plus en plus que la banque d’Angleterre n’aura sans doute pas les moyens de poursuivre une politique de hausse de taux aussi agressive que la Fed, sans déclencher une forte récession.

Même si la hausse de la facture énergétique sera un peu moins sévère au Royaume-Uni qu’en Europe grâce aux réserves d’hydrocarbures de Mer du Nord, nous restons très sceptique sur les capacités du Sterling à évite rune grande dévaluation à moyen terme au vu du déséquilibre majeur et prolongé de sa balance des paiements courants (environ 4% du PIB tous les ans).

 

Venons-en enfin à l’autre grande devise du G3, le Yen qui s'est effondré au cours de derniers mois pour coter 122.05 à la clôture ce vendredi.

Plusieurs choses à noter à ce sujet;

Comme nous l’évoquions dans ces lignes en début d’année, la hausse des taux aux Etats-Unis et en particulier les taux à long terme sur les bons d’Etat américains à 10 Ans est en général préjudiciable à la bonne tenue du Yen. La hausse du taux a 10 ans de 0.5% sur le mois a donc bien entendu fortement encouragé les flux d’investissements des institutionnels japonais vers les marchés obligataires américains.

Il convient cependant de faire preuve d’un peu de prudence dans l’analyse: la fin du mois de mars marque la date de clôture des comptes des investisseurs au Japon (compagnies d’assurance,  fonds de pension et banques). Et il n’est pas rare d’assister à des opérations d’habillage de bilan à cette période qui sont ensuite débouclées début Avril avec un mouvement sur la devise qui est l'inverse de ce qui a été constaté jusqu’alors.

 

Ceci étant dit, un autre élément plaide en faveur d’une forte baisse de la devise japonaise: il s’agit de la forte dégradation des termes de l’échange que subit l’économie japonaise. Celle-ci est en effet dépendante à 99% des importations pour ses besoins énergétiques et également pour ses autres besoins en matières premières (métaux en particulier). Les entreprises japonaises ont don c besoin du choc de compétitivité de la dévaluation pour gagner des parts de marché a l’export et commencer à combler le déficit de la balance commerciale.

 

La dévaluation du Yen a un autre avantage, que l’on pourrait même qualifier d’historique: depuis plus de 20 ans, le Japon n’est pas parvenu à sortir du piège de la déflation. Cette année avec une forte hausse du prix des intrants couplée au la dévaluation du Yen, normalement, la Banque du Japon devrait finir par obtenir un taux d’inflation positif, sinon c’est à désespérer de tout…

 

Une fois tous ces facteurs pris en compte et une fois passé le cap du 31 Mars et peut-être en attendant la publication d’un taux d'inflation résolument élevé (a 2% par exemple), il est toutefois probable  que le gouvernement japonais siffle la fin delà récréation et essaye de stabiliser le Yen autour d’un niveau de 120-125contre le Dollar. Il ne faudrait tout de même pas que les acteurs économiques japonais dont les ménages comment à douter de leur monnaie… les conséquences seraient potentiellement délétères.

Cela nécessitera une coordination avec les autres grandes banques centrales, mais, vu les circonstances géopolitiques, un consensus ne devrait pas être trop difficile trouver en très l’es grands partenaires occidentaux. Quitte à laisser glisser la monnaie japonaise au cours du reste de l’année mais à un rythme beaucoup moins soutenu.

 

C’est tout pour aujourd’hui - bonne semaine à tous