La BCE se Penche sur l’exposition des banques aux risques climatiques

Article rédigé par Alexandre Torbay
June 18, 2021

La BCE se prépare à évaluer l’exposition des banques aux risques climatiques, avant que les banques examinent à leur tour le risque climatique de leurs clients

Vers une intégration du risque climatique dans les exigences prudentielles de la BCE

Luis de Guindos, vice-Président de la Banque Centrale Européenne (BCE), alerte sur les risques climatiques qui menaceraient les entreprises et les banques, au cas où les politiques climatiques ne seraient pas à la hauteur des enjeux. Ces risques climatiques se traduiront pour les entreprises par une hausses des coûts et/ou une baisses des profits, qui pourraient même mener à la faillite.

En ligne de mire, si la BCE poursuit ses travaux sur le risque climatique, on peut imaginer que les exigences prudentielles imposées aux banques - notamment le montant minimum de capital qu’elles doivent détenir - intégreront une composante « climatique ». Le levier prudentiel est d'ailleurs un des chantiers identifiés dans le Plan d’action sur la finance durable de la Commission Européenne, pour explorer comment le régulateur pourrait utiliser les obligations imposées aux banques pour favoriser la transition de l'économie vers un modèle bas carbone.

Suite à la crise financière de 2008, les dirigeants de la zone euro ont décidé de se doter d’une union bancaire, en complément de l’union monétaire en vigueur depuis la création de l’euro.

Cette union bancaire se traduit notamment par la mise en oeuvre de deux piliers :

  • le mécanisme de surveillance unique (MSU), qui assure la supervision des banques
  • le mécanisme de résolution unique (MRU), qui assure la gestion ordonnée d’une éventuelle défaillance d’une banque

La supervision des banques de la zone euro, un enjeu au niveau européen

Dans le cadre du MSU, la BCE procède, entre autres, à des tests de résistance (stress tests) pour évaluer la capacité des banques de la zone euro à encaisser des chocs financiers et économiques. Les résultats de ces tests permettent à la Banque Centrale Européenne d’identifier les banques les plus vulnérables et de mettre en place les mesures nécessaires pour les renforcer, en coopération avec les banques concernées et les autorités de supervision nationales (exemple : la Banque de France).

Pour rappel, les objectifs de la supervision bancaire européenne sont les suivants* :

  • assurer solidité du système bancaire européen
  • renforcer l’intégration et la stabilité financière
  • garantir la cohérence de la supervision bancaire à travers la zone euro

La BCE se préoccupe d’un nouveau type de risques : les risques climatiques

Au-delà des risques financiers traditionnels (risque de crédit, risque de liquidité, etc.), la BCE a conduit en 2021 un premier test de résistance climatique pour l’ensemble de l’économie européenne.

Ce test s’est concentré sur l’étude de l’impact de deux risques climatiques sur les entreprises et les banques : le risque physique et le risque de transition (un troisième** type de risque climatique, le risque de responsabilité, est mis de côté dans cette analyse).

Pour rappel, voici les définitions qu’en donnent Finance For Tomorrow*** :

  • le Risque physique correspond aux pertes directes associées aux dommages causés par les aléas climatiques sur les acteurs économiques (exemples : augmentation de la fréquence des événements climatiques extrêmes - canicules - et survenance d’événements chroniques - augmentation sur le long terme des températures, du niveau de la mer)
  • le Risque de transition correspond aux conséquences économiques entraînées par la mise en place d’un modèle économique bas-carbone (exemples : nouvelles réglementations, comportement des consommateurs, innovations technologiques, etc.)

Pour ce faire, la BCE a compilé plusieurs types d’informations :

  • Différents scénarios climatiques et économiques à horizon 2050, produits par un groupement des plus grands banques centrales et superviseurs du monde, qui travaillent sur le développement de la finance verte et le rôle des banques centrales dans le changement climatique****(NGFS)

o   Un scénario de transition ordonnée et précoce (dès 2020) grâce à une réduction des émissions compatible avec une trajectoire 2.0°C, impliquant des politiques climatiques progressives

o   Une transition désordonnée basée sur une introduction tardive (2030) et brutale de politiques climatiques agressives pour atteindre l’objectif de 2.0°C

o   Le business as usual où aucune mesure additionnelle n’est prise et la hausse des émissions conduit à un réchauffement d’au moins 3°C en 2080

  • Des données climatiques couvrant les entreprises et les banques et permettant d’en déduire leur exposition aux risques climatiques - score climat, score carbone. Ces données concernent plus de 4 000 000 d’entreprises (états financiers, émissions de CO2, localisation des sites, etc.) et 2 000 banques (niveau d’exposition sectorielle, géographique)

Des conclusions qui prônent une transition ordonnée pour limiter les risques climatiques

La BCE estime qu’un scénario de transition ordonnée est préférable aux deux autres scénarios en vue de limiter l’impact des risques climatiques sur l’économie.

Dans ce scénario où des politiques climatiques sont instaurées rapidement et progressivement renforcées, le coût d’adaptation initial à ces mesures serait largement contrebalancé par un plus faible coût du risque physique à moyen- et long-terme, en comparaison aux autres scénarios.

La logique est la suivante : investir tôt dans la transition pour limiter le changement climatique et ses impacts négatifs à moyen / long terme sur l’économie.

Par ailleurs, l’étude de la BCE met en évidence l’hétérogénéité géographique et sectorielle du risque climatique, en notant que les entreprises les plus polluantes et celles situées dans les régions les plus exposées au risque physique (canicules et incendies en Europe du sud, inondations en Europe du nord, etc.) sont significativement plus exposées aux risques climatiques (jusqu’à 4 fois).

Vers une prise en compte renforcée du risque climatique par les banques et les autorités de supervision

La BCE va poursuivre ses travaux et compléter ces premiers résultats, notamment en examinant l’impact du risque climatique au niveau de chaque banque pour identifier les vulnérabilités individuelles.

Le risque climatique est à ce jour peu intégré aux modèles de risques des banques qui accordent des financements aux Etats, aux entreprises et aux particuliers. Cependant, alors que dirigeants politiques, organisations et citoyens se préoccupent de plus en plus de l’urgence climatique, le secteur financier avance vers une meilleure prise en compte de ces enjeux.

Au-delà des initiatives prises par les établissements de crédit en faveur du financement green (pour mitiger et s’adapter au changement climatique) ou de la sortie des activités les plus émettrices de CO2 (charbon), la supervision bancaire pourrait bientôt analyser la solidité des banques à l’aune de leur exposition aux risques climatiques.

En suivant cette logique, l’étape d’après devrait voir les banques gérer leurs risques climatiques, notamment en réduisant leur exposition à des sociétés clientes trop risquées d’un point de vue climatique (risque physique ou risque de transition).

La solution pour les entreprises : comprendre et évaluer son risque climatique

Du côté des entreprises, il est donc crucial de mesurer dès maintenant son exposition aux risques climatiques, pour se préparer aux changements de politiques des banques, qui vont progressivement intégrer la dimension climatique dans leur stratégie commerciale.

La première étape consiste à mesurer ses émissions de gaz à effet de serre (GES) pour comprendre son risque de transition. Ainsi, une entreprise très émissive de CO2, susceptible d’être pénalisée par de nouvelles contraintes réglementaires, pourrait enclencher les changements nécessaires avant de voir les banques se détourner d’elle.

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Source :

*https://www.bankingsupervision.europa.eu/about/thessm/html/index.fr.html

**Selon la classification des risques climatiques établie par Mark Carney dans son célèbre discours du 29 septembre 2015 (https://www.bankofengland.co.uk/-/media/boe/files/speech/2015/breaking-the-tragedy-of-the-horizon-climate-change-and-financial-stability.pdf?la=en&hash=7C67E785651862457D99511147C7424FF5EA0C1A)

***https://financefortomorrow.com/app/uploads/2019/09/Finance-for-Tomorrow-Le-risque-climatique-en-Finance.pdf

****Réseau des banques centrales et des superviseurs pour le verdissement du système financier (https://www.ngfs.net/en)

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