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Jean-Yves Rettel
July 18, 2022

EURUSD: la parité et au-delà?

La semaine 28 aura donc été  celle qui aura vu l’EURUSD arriver à parité (mardi 12 juillet) tandis que l’EURCHF semble s’être installé durablement en-dessous dans la zone des 0.98.

 

Visiblement les portefeuilles d’options des plus grands banques mondiales ne sont pas faciles à gérer autour de la parité et pour l’instant le choix semble avoir été fait d’essayer de soutenir l’Euro afin d’être un peu au-dessus de 1.00 à la clôture quotidienne.

C’est parce que la parité est un seuil psychologique important et rien de plus naturel lors de la mise en place de stratégie de couverture de choisir un prix d’exercice ou un niveau de barrière à 1.00.

La conséquence en termes de gestion des portefeuilles d’options est d’avoir à acquérir des montants gigantesques de devises pour une toute petite variation de cours, à moins bien sûr qu’il ne soit possible de restructurer les plus grosses transactions en temps et en heure et gageons que c’est ce qui se passe en ce moment.

 

Tout cela n’est qu’un épiphénomène et il nous semble pertinent de nous interroger, maintenant que l’euro s’est effondré jusqu’à la parité, pour savoir jusqu’où la baisse peut se prolonger.

 

Commençons par les facteurs jouant en faveur de l’euro.

 

- Tout d’abord, en termes de valorisation fondamentale à long terme basée sur les différentiels de prix pour un même produit des 2 côtés de l’Atlantique, l’Euro est déjà très nettement sous-évalué puisque la valeur théorique de l’EURUSD se situe quelque part entre 1.25 et 1.30.

 Cette valeur mesurée dans différentes études universitaires a été stable au cours des dernières années et les monnaies ont tendance à y revenir régulièrement mais il faut plutôt l’imaginer comme un aimant qui exerce son attraction sur des périodes de plusieurs années, sans beaucoup d’impact à court terme.

 

- Si on regarde maintenant les modèles de valorisation plus dynamiques basés sur l’attractivité des actifs financiers dans les différentes devises, la situation devrait s’améliorer nettement à moyen terme pour l’Euro.

En premier lieu, dans quelques mois, les taux d’intérêt à court terme en Euro devraient cesser d’être négatifs. Même si cela ne sera peut-être pas un facteur d’attractivité majeur pour les investisseurs internationaux, cela devrait être une motivation majeure pour les acteurs domestiques (i.e. européens) pour garder leurs avoirs sur le vieux continent.

Ensuite, le krach des actifs spéculatifs aux États-Unis, symbolisé en particulier par les actions de start-ups non-encore profitables, devrait refroidir les ardeurs des investisseurs européens pour des titres en USD.

Là encore, c’est une situation nouvelle, inédite depuis plusieurs années, qui a vu les excédents d’épargne allemands et néerlandais être expédiés outre-Atlantique pour des montants très importants.

 

-Finalement, le facteur le plus déstabilisant qui subsiste à court terme pour l’Euro est la dynamique économique.

D’ailleurs, au-delà des approximations de la communication de la BCE, une grande partie de la baisse récente peut être attribuée à la prise en compte par le marché des risques d’une coupure complète de l’approvisionnement en gaz dans quelques jours, en pleine période de renouvellement des stocks pour l’hiver à venir.

Une telle coupure entraînerait immanquablement une récession en Allemagne et en Italie, mettant en cause le resserrement de la politique monétaire de la BCE qui ne brille déjà pas par sa crédibilité….

Nous sommes assez sceptiques sur un arrêt complet des fournitures de gaz à l’initiative de la Russie et donc là encore, on pourrait avoir une bonne surprise pour l’Euro.

 

Fondamentalement, cependant, une dynamique de baisse est enclenchée et il est probable qu’elle ne trouvera son terme que lorsque les Etats-Unis estimeront qu’elle ne leur est plus favorable.

Pour le moment au contraire, la grille de lecture de beaucoup de dirigeants économiques occidentaux est celle des Reverse Currency Wars.

 

Dans le cadre des Currency Wars classiques, un pays tente de maintenir sa monnaie à un niveau un peu sous-évalué en premier lieu pour éviter d’importer de la déflation (c’était le problème majeur jusqu’à il y a peu…) et pour maintenir une certaine compétitivité à l’export.

 

Dans les Reverse currency wars, chaque pays veut une monnaie forte pour minimiser les inconvénients de l’inflation importée et pour essayer également de contrôler un peu une activité économique domestique en surchauffe.

Un exemple parfait est la Suisse qui a pourtant longtemps combattu une appréciation de sa devise contre l’Euro mais qui s’est maintenant adaptée au nouveau contexte. C’est également le choix que font des petits pays comme l’Australie ou la Canada.

Et c’est évidemment la stratégie des Etats-Unis.

 

L’Union Européenne pourrait s’adapter avec une communication et des actions bien plus vigoureuses de la part de la BCE, par exemple, mais il semble que la situation en cours tétanise les responsables européens, surtout lorsque l’ancien sauveur de l’Euro, Mario Draghi, doit se battre au quotidien pour ne pas perdre son poste et ne peut donc plus jouer son rôle habituel de force de proposition stratégique au niveau européen.

 

Pour résumer, dans 2 ans, les niveaux actuels apparaîtront vraisemblablement comme un excellent niveau d’achat pour l’Euro mais d’ici là, il est probable que la dynamique à la baisse continue.

0.95 comme objectif pour la seconde partie de l’année.